Une lecture rapide de l’évangile de la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare peut interpréter le « renversement des sorts » comme une punition de l’homme coupable de posséder des biens matériels et, au contraire, un relèvement du pauvre Lazare qui n’avait d’autre richesse que son nom, Lazare, qui veut dire : « Dieu vient en aide » ; puis en généraliser la compréhension à partir de la parabole de dimanche dernier selon laquelle on ne peut servir deux maîtres en même temps, à la fois Dieu et l’argent…
Une telle lecture fait l’impasse sur le contexte dans lequel Jésus s’exprime. Car il fait allusion à un conte populaire bien connu de son auditoire. La pointe du message de Jésus dans cette parabole vise moins la thématique de la richesse ou de la pauvreté comme telle, que l’auto-suffisance égocentrique qui peut résulter d’un certain rapport aux richesses, que celles-ci soient extérieures ou intérieures.
Le lecteur peut en repérer la trace dans la première requête de l’homme riche à Abraham. Celui qui délibérément centré sur lui-même, a fait bombance toute sa vie, est engagé sur un chemin irréversible auquel est opposé celui que la pauvreté rend disponible à autre que lui-même : « Un grand abîme [infranchissable] a été établi entre vous et nous. » Sous l’angle du rapport à Dieu qui en découle, indissociable du rapport à autrui et du rapport au monde, les effets irréversibles de l’auto-suffisance réclament notre vigilance.
Un conseil pourrait nous être donné par l’homme riche de l’évangile : « Ne faites pas comme moi ! Dans votre court passage sur la terre vous fabriquez votre éternité ».
P. Anatole DEDEGBE
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