Notre Ă©glise s’appelle Notre-Dame de la NativitĂ© de Bercy, non pas Ă cause de la NativitĂ© de JĂ©sus qui se fĂȘte Ă NoĂ«l, mais en rĂ©fĂ©rence Ă la NativitĂ© de la Vierge Marie, mĂšre de JĂ©sus-Christ, cĂ©lĂ©brĂ©e le 8 septembre de chaque annĂ©e.
La fĂȘte du 8 septembre est trĂšs ancienne. Si elle a Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©e trĂšs tĂŽt Ă Constantinople et Ă JĂ©rusalem, elle ne l’a Ă©té à Rome qu’au VIIe siĂšcle.
Au cours de cette fĂȘte, les textes lus et les priĂšres chantĂ©es Ă©clairaient au mieux le sens du culte que lâĂglise rend Ă Marie.
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PremiĂšre homĂ©lie pour la nativitĂ© de la Vierge Marie – Saint Jean DamascĂšne
Neuf mois Ă©tant accomplis, Anne mit au monde une fille et lâappela du nom de Marie. Quand elle lâeut sevrĂ©e, la troisiĂšme annĂ©e, Joachim et elle se rendirent au temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils prĂ©sentĂšrent leur petite fille Marie pour quâelle habitĂąt avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu.
Quand elle eut Ă©tĂ© amenĂ©e devant le temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arriĂšre et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa dâĂ©tonnement toute lâassistance, au point que les prĂȘtres du Temple eux-mĂȘmes Ă©taient dans lâadmiration.
Puisque la Vierge Marie devait naĂźtre dâAnne, la nature nâa pas osĂ© devancer le germe bĂ©ni de la grĂące. Elle est restĂ©e sans fruit jusquâĂ ce que la grĂące eĂ»t portĂ© le sien. En effet il sâagissait de la naissance, non dâun enfant ordinaire, mais de cette premiĂšre-nĂ©e dâoĂč allait naĂźtre le premier-nĂ© de toute crĂ©ature, en qui subsistent toutes choses. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la crĂ©ation vous doit de la reconnaissance, car câest en vous et par vous quâelle offre au CrĂ©ateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste MĂšre qui Ă©tait seule digne du CrĂ©ateur.
Aujourdâhui sort de la souche de JessĂ© le rejeton sur lequel va sâĂ©panouir pour le monde une fleur divine. Aujourdâhui, Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crĂ©e sur la terre un ciel nouveau, formĂ© dâune substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que lâautre, car câest de lui que va naĂźtre le soleil de justice, celui qui a créé lâautre soleil….
Que de miracles se rĂ©unissent en cette enfant, que dâalliances se font en elle ! Fille de la stĂ©rilitĂ©, elle sera la virginitĂ© qui enfante. En elle se fera lâunion de la divinitĂ© et de lâhumanitĂ©, de lâimpassibilitĂ© et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour quâen tout ce qui Ă©tait mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille dâAdam et MĂšre de Dieu ! Et tout cela a Ă©tĂ© fait pour moi, Seigneur ! Si grand Ă©tait votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre crĂ©ature, mais restaurer par vous-mĂȘme celui que vous aviez dâabord créé vous-mĂȘme. Câest pourquoi je tressaille dâallĂ©gresse et je suis plein de fiertĂ©, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emportĂ© par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de lâEsprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance…
Aujourdâhui le CrĂ©ateur de toutes choses, Dieu le Verbe compose un livre nouveau jailli du cĆur de son PĂšre, et quâIl Ă©crit par le Saint-Esprit, qui est langue de Dieu…
O fille du roi David et MĂšre de Dieu, Roi universel. O divin et vivant objet, dont la beautĂ© a charmĂ© le Dieu crĂ©ateur, vous dont lâĂąme est toute sous lâaction divine et attentive Ă Dieu seul ; tous vos dĂ©sirs sont tendus vers cela seul qui mĂ©rite quâon le cherche, et qui est digne dâamour ; vous nâavez de colĂšre que pour le pĂ©chĂ© et son auteur. Vous aurez une vie supĂ©rieure Ă la nature, mais vous ne lâaurez pas pour vous, vous qui nâavez pas Ă©tĂ© créée pour vous. Vous lâaurez consacrĂ©e tout entiĂšre Ă Dieu, qui vous a introduite dans le monde, afin de servir au salut du genre humain, afin dâaccomplir le dessein de Dieu, IâIncarnation de son Fils et la dĂ©ification du genre humain. Votre coeur se nourrira des paroles de Dieu : elles vous fĂ©conderont, comme lâolivier fertile dans la maison de Dieu, comme lâarbre plantĂ© au bord des eaux vives de lâEsprit, comme lâarbre de vie, qui a donnĂ© son fruit au temps fixé : le Dieu incarnĂ©, la vie de toutes choses. Vos pensĂ©es nâauront dâautre objet que ce qui profite Ă lâĂąme, et toute idĂ©e non seulement pernicieuse, mais inutile, vous la rejetterez avant mĂȘme dâen avoir senti le goĂ»t.
Vos yeux seront toujours tournĂ©s vers le Seigneur, vers la lumiĂšre Ă©ternelle et inaccessible ; vos oreilles attentives aux paroles divines et aux sons de la harpe de lâEsprit, par qui le Verbe est venu assumer noire chair… vos narines respireront le parfum de lâĂ©poux, parfum divin dont il peut embaumer son humanitĂ©. Vos lĂšvres loueront le Seigneur, toujours attachĂ© aux lĂšvres de Dieu. Votre bouche savourera les paroles de Dieu et jouira de leur divine suavitĂ©. Votre coeur trĂšs pur, exempt de toute tache, toujours verra le Dieu de toute puretĂ© et brĂ»lera de dĂ©sir pour lui. Votre sein sera la demeure de celui quâaucun lieu ne peut contenir. Votre lait nourrira Dieu, dans le petit enfant JĂ©sus. Vous ĂȘtes la porte de Dieu, Ă©clatante dâune perpĂ©tuelle virginitĂ©. Vos mains porteront Dieu, et vos genoux seront pour lui un trĂŽne plus sublime que celui des chĂ©rubins… Vos pieds, conduits par la lumiĂšre de la loi divine, le suivant dans une course sans dĂ©tours, vous entraĂźneront jusquâĂ la possession du Bien-AimĂ©. Vous ĂȘtes le temple de lâEsprit-Saint, la citĂ© du Dieu vivant, que rĂ©jouissent les fleuves abondants, les fleuves saints de la grĂące divine. Vous ĂȘtes toute belle, toute proche de Dieu ; dominant les ChĂ©rubins, plus haute que les SĂ©raphins, trĂšs proche de Dieu lui-mĂȘme.
Salut, Marie, douce enfant dâAnne ; lâamour Ă nouveau me conduit jusquâĂ vous. Comment dĂ©crire votre dĂ©marche pleine de gravité ? votre vĂȘtement ? le charme de votre visage ? cette sagesse que donne lâĂąge unie Ă la jeunesse du corps ? Votre vĂȘtement fut plein de modestie, sans luxe et sans mollesse. Votre dĂ©marche grave, sans prĂ©cipitation, sans heurt et sans relĂąchement. Votre conduite austĂšre, tempĂ©rĂ©e par la joie, nâattirant jamais lâattention des hommes. TĂ©moin cette crainte que vous Ă©prouvĂątes Ă la visite inaccoutumĂ©e de lâange ; vous Ă©tiez soumise et docile Ă vos parents ; votre Ăąme demeurait humble au milieu des plus sublimes contemplations. Une parole agrĂ©able, traduisant la douceur de lâĂąme. Quelle demeure eĂ»t Ă©tĂ© plus digne de Dieu ? Il est juste que toutes les gĂ©nĂ©rations vous proclament bienheureuse, insigne honneur du genre humain. Vous ĂȘtes la gloire du sacerdoce, lâespoir des chrĂ©tiens, la plante fĂ©conde de la virginitĂ©. Par vous sâest rĂ©pandu partout lâhonneur de la virginitĂ©. Que ceux qui vous reconnaissent pour la MĂšre de Dieu soient bĂ©nis, maudits ceux qui refusent…
O vous qui ĂȘtes la fille et la souveraine de Joachim et dâAnne, accueillez la priĂšre de votre pauvre serviteur qui nâest quâun pĂ©cheur, et qui pourtant vous aime ardemment et vous honore, qui veut trouver en vous la seule espĂ©rance de son bonheur, le guide de sa vie, la rĂ©conciliation auprĂšs de votre Fils et le gage certain de son salut. DĂ©livrez-moi du fardeau de mes pĂ©chĂ©s, dissipez les tĂ©nĂšbres amoncelĂ©es autour de mon esprit, dĂ©barrassez-moi de mon Ă©paisse fange, rĂ©primez les tentations, gouvernez heureusement ma vie, afin que je sois conduit par vous Ă la bĂ©atitude cĂ©leste, et accordez la paix au monde. A tous les fidĂšles de cette ville, donnez la joie parfaite et le salut Ă©ternel, par les priĂšres de vos parents et de toute lâEglise.
Saint Jean DamascĂšne
HOMĂLIE DE S. ANDRĂ DE CRĂTE POUR LA NATIVITĂ DE LA SAINTE MĂRE DE DIEU
La joie entre dans le monde
Le Christ est lâachĂšvement de la Loi ; car Il nous Ă©loigne de la terre, du fait mĂȘme quâIl nous Ă©lĂšve vers lâEsprit. Cet accomplissement consiste en ce que le lĂ©gislateur, aprĂšs avoir tout dĂ©terminĂ©, a rapportĂ© la lettre Ă lâesprit, en rĂ©capitulant toutes choses en lui, en vivant dâune loi qui est la grĂące. AprĂšs avoir rĂ©duit la loi en servitude, Il y a joint harmonieusement la grĂące. Il nâa pas mĂ©langĂ© ni confondu les propriĂ©tĂ©s de lâune avec celles de lâautre ; mais, dâune façon divine, Il a changĂ© ce quâil pouvait y avoir dans la loi de pĂ©nible, de servile et de tyrannique, en ce qui est lĂ©ger et libre dans la grĂące. Ainsi nous ne vivons plus sous lâesclavage des Ă©lĂ©ments du monde, comme dit lâApĂŽtre, nous ne sommes plus asservis au joug de la lettre de la loi.
En effet, câest en cela que consiste lâessentiel des bienfaits du Christ ; câest lĂ que le mystĂšre se manifeste, que la nature est renouvelĂ©e : Dieu sâest fait homme et lâhomme assumĂ© est divinisĂ©. Il a donc fallu que la splendide et trĂšs manifeste habitation de Dieu parmi les hommes fĂ»t prĂ©cĂ©dĂ©e par une introduction Ă la joie, dâoĂč dĂ©coulerait pour nous le don magnifique du salut. Tel est lâobjet de la fĂȘte que nous cĂ©lĂ©brons : la naissance de la MĂšre de Dieu inaugure le mystĂšre qui a pour conclusion et pour terme lâunion du Verbe avec la chair. Câest maintenant que la Vierge vient de naĂźtre, quâelle est allaitĂ©e, quâelle se forme, quâelle se prĂ©pare Ă ĂȘtre la mĂšre du Roi universel de tous les siĂšcles.Â
Câest alors que nous recevons du Verbe un double bienfait : Il nous conduit Ă la VĂ©ritĂ©, et Il nous dĂ©tache de la vie dâesclavage sous la lettre de la loi. De quelle maniĂšre, par quelle voie ? Sans aucun doute, parce que lâombre sâĂ©loigne Ă lâavĂšnement de la lumiĂšre, parce que la grĂące substitue la libertĂ© Ă la lettre. La fĂȘte que nous cĂ©lĂ©brons se trouve Ă cette frontiĂšre, car elle fait se rejoindre la vĂ©ritĂ© avec les images qui la prĂ©figuraient, puisquâelle substitue le nouveau Ă lâancien.Â
Que toute la crĂ©ation chante et danse, quâelle contribue de son mieux Ă la joie de ce jour. Que le ciel et la terre forment aujourdâhui une seule assemblĂ©e. Que tout ce qui est dans le monde et au-dessus du monde sâunisse dans le mĂȘme concert de fĂȘte. Aujourdâhui, en effet, sâĂ©lĂšve le sanctuaire créé oĂč rĂ©sidera le CrĂ©ateur de lâunivers ; et une crĂ©ature, par cette disposition toute nouvelle, est prĂ©parĂ©e pour offrir au CrĂ©ateur une demeure sacrĂ©e.
La naissance de la Vierge
de Jean Restout (1730)